14 avril 2022

L’obligation d’enregistrer l’interrogatoire

Rédigé par Alexandre VOLZ

Le 4 octobre 2021, Monsieur X était interpellé et placé en garde à vue.

Il était mis en cause pour de nombreux faits.

A l’issue de sa garde-à-vue, il était présenté à un magistrat instructeur en vertu d’un réquisitoire introductif visant diverses infractions délictuelles, ainsi qu’une infraction criminelle (recel de vol avec arme).

Son interrogatoire de première comparution n’a pas fait l’objet d’un enregistrement audiovisuel.

Au cours de cet interrogatoire, Maître VOLZ a plaidé sur les différentes infractions visées, et a obtenu du juge d’instruction qu’il place sous le statut de témoin assisté Monsieur X, notamment concernant l’infraction criminelle.

Le même jour, Monsieur X a été placé en détention provisoire.

Immédiatement, Maître VOLZ a déposé devant la Chambre de l’instruction une requête tendant à faire annuler l’interrogatoire de première comparution, faute d’enregistrement audiovisuel de celui-ci.

L’article 116-1 du Code de procédure pénale dispose en son premier alinéa :
« En matière criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d’instruction, y compris l’interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l’objet d’un enregistrement audiovisuel. »

La Chambre criminelle a pu déterminer que le défaut d’enregistrement audiovisuel porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée, et que la nullité qui en est la conséquence doit porter sur l’intégralité de l’acte :
« Attendu que, selon ce texte, en matière criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d’instruction y compris l’interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l’objet d’un enregistrement audiovisuel ; que l’omission de cette formalité, hors les cas où ce texte l’autorise, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée, que celle-ci ait déclaré vouloir faire des déclarations, répondre aux questions posées ou se taire ; que l’absence d’enregistrement affecte nécessairement la régularité de l’intégralité de l’acte, même en ce qu’il porte pour partie sur des faits de nature délictuelle ;
Attendu que, pour ne faire droit que partiellement au moyen d’annulation tiré de l’absence d’enregistrement audio-visuel, l’arrêt retient que seule la mise en examen criminelle du chef d’importation de produits stupéfiants en bande organisée encourt la nullité, les mises en examen délictuelles continuant de produire leurs effets ; que l’arrêt ordonne en conséquence la cancellation du procès-verbal de première comparution et celles de l’ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention, du procès-verbal de débat contradictoire et de l’ordonnance de placement en détention provisoire ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que l’annulation d’un interrogatoire de première comparution à l’issue duquel la personne est mise en examen pour des faits de nature criminelle et délictuelle, à la suite d’un défaut d’enregistrement audiovisuel, porte nécessairement sur l’intégralité de l’acte, la chambre de l’instruction qui n’a pas tiré toutes les conséquences de la nullité qu’elle constatait, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; »
Crim. 11 avril 2018, n°17-86.711

Ainsi, une personne poursuivie notamment pour une infraction criminelle doit nécessairement bénéficier de l’enregistrement audiovisuel de son interrogatoire de première comparution.

Le défaut d’enregistrement de l’interrogatoire de première comparution fait nécessairement grief et doit entraîner l’annulation de l’intégralité de l’acte.

Concernant le recel de vol avec arme, l’article 321-4 du Code pénal dispose :

« Lorsque l’infraction dont provient le bien recelé est punie d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à celle de l’emprisonnement encouru en application des articles 321-1 ou 321-2, le receleur est puni des peines attachées à l’infraction dont il a eu connaissance et, si cette infraction est accompagnée de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance. »

Or, l’article 311-8 du Code pénal, en son premier alinéa, indique :
« Le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d’amende lorsqu’il est commis soit avec usage ou menace d’une arme, soit par une personne porteuse d’une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé. »

Par conséquent, un recel de vol commis avec usage ou menace d’une arme est, lui aussi, puni de vingt années de réclusion criminelle.

Un recel de vol commis avec usage ou menace d’une arme constitue donc une infraction criminelle.

Le réquisitoire introductif visait à l’encontre de Monsieur X, parmi diverses infractions, l’infraction suivante :
« D’avoir sciemment recélé une carte nationale d’identité, qu’il savait provenir d’un vol avec arme au préjudice de Y »

En vertu de ce réquisitoire introductif, Monsieur X faisait donc l’objet d’un interrogatoire de première comparution concernant au moins une infraction criminelle (recel de vol avec arme).

Cette infraction figure également sur le procès-verbal d’interrogatoire de première comparution.

En vertu de l’article 116-1 du Code de procédure pénale, le magistrat instructeur aurait dû faire procéder à l’enregistrement audiovisuel de l’interrogatoire, peu importe que la mise en examen ne porte finalement que sur des délits.

Force est de constater que son interrogatoire de première comparution n’a pas fait l’objet d’un enregistrement audiovisuel.

En outre, aucune impossibilité technique n’a justifié cette absence d’enregistrement.

L’intégralité de cet acte est entachée d’une nullité faisant nécessairement grief à Monsieur X, et il son annulation devait être immédiatement prononcée.

En outre, l’annulation de cet interrogatoire de première comparution portant sur l’intégralité de l’acte, il fallait également prononcer la nullité de la mise en examen de Monsieur X pour l’ensemble des faits reprochés.

Enfin, la détention provisoire de Monsieur X n’étant possible qu’en vertu de sa mise en examen, il convenait de prononcer la mise en liberté de Monsieur X.

Par un arrêt du 14 décembre 2021, la Chambre de l’instruction a donné raison à ce raisonnement, en annulant l’interrogatoire de première comparution et la mise en examen de Monsieur X.

Dans l’intervalle, notre Cabinet avait saisi le juge d’instruction d’une demande de mise en liberté de Monsieur X.

Conscient de l’irrégularité commise, le juge avait pris la sage décision de libérer Monsieur X sous contrôle judiciaire, dans l’attente de la décision de la chambre de l’instruction.

Une défense menée de front, soulevant les moyens de nullité nécessaires à faire valoir les droits des justiciables, est indispensable à toute étape de la procédure.

N’hésitez pas à contacter le Cabinet pour défendre vos droits.

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